Un petit ovni que ce livre rapporté d’Oxford. Me voilà de nouveau au Royaume-Uni, mais les temps ont bien changé depuis les sœurs Brontë ! Difficile d’y raconter l’histoire, ce livre, très court, a deux narrateurs : deux soeurs, Anthea, la cadette et Imogen (Midge) qui vivent toutes deux en Écosse, à Inverness. L’ainée travaille comme chef marketing dans une importance compagnie (« Pure ») produisant de l’eau en bouteille. Sa sœur, Anthea, effectue un stage dans la même société mais son destin bascule lorsqu’elle croise la route d’une mystérieuse tagueuse, une « eco-warrior », prénommée Robin. Une histoire d’amour nait.
A travers la voix de l’éco-combattante, Robin, Ali Smith réinterprète le mythe d’Iphis.
Un peu de culture mes amis : le mythe d’Iphis, selon le poète romain Ovide trouve sa source en Crête. Iphis est née de l’union de Telethusa et de Lidgus. Lidgus avait annoncé à sa femme enceinte, qu’il garderait l’enfant si c’était un garçon, mais qu’il le tuerait s’il s’agit d’une fille. Désespérée, la jeune femme reçoit une nuit la visite de la déesse Isis, accompagnée d’Anubis, de Bubastis et d’Apis. Celle-ci lui demande de ne rien faire et lui promet de l’aider le temps venu. Thelethusa donne naissance à une fille qu’elle prénomme Iphis, prénom à l’époque porté par les deux sexes. Elle l’élève comme un garçon. Grandissant, le jeune garçon tombe amoureux d’une jeune fille, Ianthe et leurs pères décident de les unir. Ianthe aime Iphis et ignore sa véritable identité. Iphis prie alors la déesse Junon de l’aider à se sortir de cette situation malheureuse, effrayé de voir la vérité éclatée la nuit de leur union. Finalement, Thelethusa emmène son fils/sa fille au temple d’Isis et prie à nouveau la déesse. Celle-ci apparait et tient sa promesse en transformant Iphis en homme. Ainsi, il peut enfin épouse Ianthe et vivre heureux. Leur mariage ayant été célébré par Junion, Venus et le dieu du mariage, Hymenaios.
Si je vous raconte ce mythe, c’est qu’ici l’histoire cruciale n’est pas celle d’Iphis, mais bien celle d’Anthea et d’Imogen. D’Anthea, d’une part, et de son coup de foudre pour une autre femme, au prénom masculin (Robin). Nous sommes en 2007 lorsque Ali Smith écrit ce roman et l’union de deux femmes faisait encore débat. Un amour très beau. Et d’Imogen, jeune femme trop sérieuse, coincée dans un boulot stressant et menant une vie morne. Toutes deux vont peu à peu s’émanciper et vivre enfin leurs vies. Au grand jour.
Let me tell you about when I was a girl, our grandfather says.
It is Saturday evening; we always stay at their house on Saturdays. The couch and the chairs are shoved back against the walls. The teak coffee table from the middle of the room is up under the window. The floor has been cleared for the backward and forward somersaults, the juggling with oranges and eggs, the how-to-do-a-cartwheel, how-to-stand-on-your-head, how-to-walk-on-your-hands lessons.
Le roman très court, m’a plu par sa légèreté, par son ton, par son humour et par sa poésie. Ali Smith nous raconte le destin de deux jeunes femmes dans les années 90 et leur désir profond d’émancipation, qu’il soit physique ou spirituel. Un livre où le bonheur leur apparait et leurs libertés retrouvées. J’aime aussi énormément le début du roman lorsqu’elles se remémorent leur enfance auprès de leurs grands-parents adorés disparus trop tôt. Et les drôles histoires du grand-père « Laissez-moi vous raconter quand j’étais une fille.. » leur dit-il. Imogen (surnommée « Midge ») est plus grande et tente parfois de réfuter ces drôles d’histoires, Anthea, plus jeune, plonge à ravir dans ce monde décalé. C’est un livre « de rêves », comme si, pour un court moment, le lecteur était capable de se glisser dans la tête de ces deux sœurs. Un roman joyeux et jouissif.
Un roman exubérant qui célèbre l’amour entre deux femmes, l’amour physique ou l’amour sororal. Qui célèbre la vie et les souvenirs de l’enfance. Un petit bijou où les mots jouent avec les mots. Un très joli moment qui m’a rappelé ma comptine préférée. Une chanson que j’avais traduite pour mes amis américains et qui avaient du mal à comprendre le sens de cette histoire du 18ème siècle où l’on croise des souris vertes 😉
Une souris verte
Qui courait dans l’herbe
Je l’attrape par la queue,
Je la montre à ces messieurs
Ces messieurs me disent
Trempez-la dans l’huile
Trempez-la dans l’eau
ça fera un escargot tout chaud
(la fin varie selon les régions .. moi j’ai les 3 petites crottes… et vous?)
♥♥♥♥♥
Editions The Canons, 2015,176 pages
Photo by Aranxa Esteve on Unsplash
10 commentaires
Me voilà plus cultivée après lecture de ton billet, je ne connaissais pas ce mythe.
Tant mieux ! Et encore un livre en anglais mais très moderne celui-ci 😉
quelle chance de pouvoir lire en anglais!
Oui je sais même si j’apprécie aujourd’hui de lire en français — à une époque les traducteurs étaient souvent mauvais, j’ai deux ou trois souvenirs en tête …
Et bien j’aurais appris quelque chose aujourd’hui !
🙂 Les Grecs avaient déjà tout écrit !
Il n’a jamais été traduit en français ce texte ? Dommage, je me serais fait un plaisir de le découvrir.
Bonne question ! si si chez les Editions de l’Olivier
Voici le lien vers le livre : http://www.editionsdelolivier.fr/catalogue/9782879297118-girl-meets-boy
🙂
Je me pose la même question que Jérôme, il a été traduit en français?
Ta chronique donne très envie de s’y plongé ! Et d’ailleurs, merci pour ce point culture, je me coucherai moins bête ce soir.
Pour finir, chez moi aussi ça se termine par les petites crottes. (la chanson est bizarre, à bien y penser)
Passe un joli week-end.
Oui il a été traduit en français !
http://www.editionsdelolivier.fr/catalogue/9782879297118-girl-meets-boy
Tu peux aussi le trouver en ligne ou le commander chez ton libraire 🙂
j’ai bien aimé ce roman frais et moderne et pétillant !
J’ai bien ri en lisant « les petites crottes » – oui une chanson très bizarre mais très poétique à la Duchamp !
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