Acheté il y a longtemps, ce recueil avait trouvé son chemin jusqu’à ma table de chevet, j’ai finalement attendu le lancement du challenge #maiennouvelles pour me lancer. Et j’ai eu raison !
Si Heartbreaker Stories vous invite à vous plonger dans la noirceur de l’âme humaine, Jordan Harper ne vous épargne pas non plus. J’avais lu d’excellentes critiques à son sujet, et je ne me suis pas trompée. Ma lecture fut jubilatoire !
Ici les personnages sont des hors-la-loi, des outsiders – qu’ils soient drogués, entraineurs de chiens de combat ou fabriquant de meths, qu’ils habitent dans les collines des montagnes Ozarks, aux bas-fonds de Détroit ou dans le désert californien, ils courent tous après un rêve inaccessible.
Ici, rien ne leur est épargné, le monde ne leur fait pas de cadeaux, même à ceux qui tentent de s’en sortir. Ceux qui fuient, un passé trouble, un propriétaire de chien, tous semblent rattraper par le diable. Un monde violent et implacable qui les pousse dans leurs tranchées, qui les invite à courir jusqu’à leur mort, leur dernier souffle.
La première nouvelle m’a tout de suite emballée, Jordan Harper nous plonge directement dans ce monde d’outlaws. Le personnage a sombré dans la drogue, incapable de s’en payer, il s’est endetté jusqu’à voir son sort réglé. Le voici forcé d’avaler des pilules puis de monter à l’arrière d’un pick-up, attaché, conduit dans le désert californien pour y creuser sa tombe, sous la menace d’un fusil. Mais alors qu’il lutte contre les hallucinations, la chaleur, il a comme un sursaut, une étincelle de vie. On se croirait dans un western sombre – le héros tente un dernier coup, un dernier acte de bravoure .. car quelque part un enfant attend..
J’ai lu une critique qui disait que son oeuvre est cinématographique et c’est vrai. Comme tous les désespérés, l’auteur donne une touche d’humour à ces récits qui vous prennent aux tripes. Dans une autre nouvelle, c’est Bonnie et Clyde que l’auteur revisite à sa sauce. Une femme mariée, se souvient, d’une autre vie, où jeune, elle avait suivi son petit ami de l’époque dans une série de braquages jusqu’au jour où… Je vous laisse lire la suite !
J’ai adoré Plan C où un braqueur de banque voit la police arrivée et décide de retenir le personnel et les clients en otage, mais lorsqu’il tente de négocier, c’est la cata et notre héros tente maladroitement de passer au plan B, puis au plan C… C’est noir de noir, mais très jouissif !
Et l’histoire de Mad Dog McClure, que l’on retrouve à deux reprises dans ce recueil. Chez Harper – les taulards, ex-taulards ne vivent que sur leur notoriété, comme les bikers ou autres bandits de grand chemin. Comment est-ce que cet homme a obtenu le surnom de Mad Dog ? Harper s’amuse avec nous et la fin m’a encore une fois estomaquée.
Dans Lucy in the pit, Harper montre pour une fois un peu de répit dans ce monde de brutes, en nous racontant la décision d’un homme de sauver de la mort promise un chien de combat.
Le titre du recueil, Love and other wounds, est une nouvelle qui tient en trois pages et d’une puissance qui vous estomaque. Tous les personnages de ce recueil sont des écorchés vifs, mais parfois, entre potes, ils se soutiennent. Ici, impossible d’emmener cet homme blessé par balle à l’hôpital, car les médecins ont l’obligation de prévenir la police, mais quand on aime, on trouve toujours une solution !
Que dire de ce « fixer », ce « nettoyeur » dont le boulot est d’aller nettoyer une scène de crime avant l’arrivée de la police ou des médias ? Il le fait car c’est son boulot, sans ciller, même lorsque la victime est une jeune star de cinéma. Mais un jour, il s’agit du corps d’une femme dont il s’est épris… Une autre, Like riding a moped, est mordante et jouissive – elle raconte l’histoire de cette jeune femme obèse, vendeuse en bijouterie, qui imagine une nouvelle vie (« Fatty and Clyde ») aux côtés d’un jeune et beau voleur de bijoux qui s’éprend d’elle dans le but de l’utiliser.
Ici, impossible de reprendre sa respiration, chaque nouvelle est plus explosive que la précédente. Les nouvelles sont courtes, souvent moins de huit pages, mais elles sont acérées et touchent leur cible à chaque fois. Quinze nouvelles qui tiennent en 160 pages, un record ! Mais chacune est une bombe, et j’aurais vraiment plaisir à les relire. Le livre est donc sagement de retour sur ma table de chevet.
Et bonne nouvelle, il est disponible en français, publié chez Actes Sud (« L’amour et autres blessures »).
« Jordan Harper is the real deal with his visceral voice and napalm prose style, he’s penned a brutal but beautiful book of stories with words that cut like a kaiser blade » – Frank Bill.
♥♥♥♥♥
Editions Ecco, 2015, 176 pages
2 commentaires
C’est vraiment le temps que ça s’arrête, ce mois tentateur. Je le note, évidemment! En français, je ne peux pas résister!
Je savais que savoir qu’il était dispo en français te ferait craquer ! Non il va te plaire je le sais ! Il est excellent
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