J’avoue que j’aime assez mon instinct lorsqu’il s’agit de choisir un livre. En passant la porte de la librairie, je n’avais aucune envie particulière, après tout nous attendions le Festival America deux jours plus tard. Sur un étagère, c’est la tranche qui m’attira, puis la couverture et enfin la quatrième. Un roman néo-zélandais, une histoire de deuil, deux communautés qui s’affrontent … et puis ces mots.
Il visualisa le corps du garçon pendu dans l’obscurité. Il l’imagina tournoyant dans la tempête. Le vent du sud-ouest s’engouffrait toujours dans cette vallée. Il fouettait les arbres des environs. Le corps avait dû bouger, se balancer et tournoyer dans le vent, tout cela à moins de cent mètres de son propre lit.
Box Baxton est maçon. Il y a quelques années, l’économie était florissante, il avait monté sa propre boîte, acheté une belle maison puis la récession a pointé son nez, et le voilà, à courir après les chantiers. Il a du reloger sa famille dans la banlieue, inscrire ses enfants dans le public, et n’a sauver que son vieux pick-up tout pourri. Mais Box a encore sa famille, sa femme Liz, Mark et Heather leurs enfants. Enfin le croyait-il, car l’appel de Liz vient tout bouleverser. Leur fils Mark, 19 ans, s’est suicidé. Le monde de Box s’effondre. Malgré la tempête qui fait rage, Box reprend la route et dévore les routes sinueuses de la Nouvelle-Zélande. Il ne s’arrête pas tant qu’il ne serra pas dans ses bras sa femme et sa fille, effondrées. Les raisons du suicide de Mark sont inconnues. Box veut voir son fils, mais le médecin légiste leur demande d’attendre. Liz décide de contacter néanmoins le père biologique de Mark, un Maori du nom de Stephen Sullivan. Ce dernier a abandonné son fils alors qu’il n’avait pas deux ans et Box l’a adopté. Maaka Pitama est devenu Mark Saxton. Lorsque Stephen arrive à la veillée, il a retrouvé son nom Maori, Tipene et il est venu avec tout son clan.
Les deux hommes ne s’aiment pas, et Tipene met Box en colère lorsqu’il lui propose d’emmener Maaka dans le Nord afin d’ être enterré dans le respect de la tradition maorie , et de revenir enfin chez les siens. Box refuse catégoriquement, Mark n’était pas Maori, c’était son fils, un Saxton et il sera enterré sur les terres ancestrales de sa propre famille, dans la baie. Il croit l’affaire réglé, lorsque le lendemain il reçoit un appel de l’agence funéraire : Tipene vient de voler la dépouille de Mark. Box devient fou… Comment peut-on lui voler son enfant ?
Je n’en dirais pas plus, sinon que ce roman n’est pas un thriller, ni un duel simpliste entre deux hommes. C’est nettement plus que ça : c’est un drame intimiste magnifiquement mis en scène. Je me suis retrouvée dans la tête de Box, dans son coeur, dans ses errements, dans sa colère, dans son incompréhension face au geste de son fils. J’ai découvert un auteur capable de vous faire ressentir toutes les émotions que peuvent traverser un homme, tout en dressant un portrait sans concession de la Nouvelle-Zélande, des tensions qui persistent entre ces deux communautés.
Carl Nixon rappelle ici l’attachement aux traditions et l’amour de la terre, cette terre volcanique, que ce soit du côté des Maoris ou du côté des enfants de colons, comme Box. Ce dernier a grandi à la ferme de ses grands-parents avec son frère ainé. Même s’il n’a jamais voulu reprendre l’exploitation, il est profondément attaché à cette propriété sur la baie. Il connaît l’histoire de sa famille, l’arrivée du premier Saxton, en 1860 jusqu’à nos jours. Cette terre est la sienne et aussi celle de Mark. Les Maoris ont un sens profond de la famille et les traditions sont essentielles à leur mode de vie. Leurs terres ont été volées. Ils sont tous deux attachés aux mêmes terres, comment faire ?
Ce qu’il avait sous les yeux était en fait les restes d’un grand volcan . Le temps avait effacé les traits hideux et noircis du paysage. Comme de la poudre de riz, la terre transparente par le vent s’était déposée sur la roche cuite, puis le cratère s’était rompu et l’océan l’avait inondé pour former ce long port naturel. Les collines jadis dentelées comme des scies, ne se découpaient plus aussi nettement sur le ciel . Box avait l’impression qu’elles étaient disposées autour de lui comme une couverture fauve habilement froissée par un photographe.
J’ai dévoré ce roman de près de 500 pages – je ne pouvais pas quitter Box, personnage pivot du roman, j’ai beaucoup aimé la prose de l’auteur, la fluidité qui se dégage, l’atmosphère de cette île des nuages bas. J’avoue que j’ai trouvé ici tout ce que je recherche dans un roman : être emportée, ici loin dans les terres australes, dans le coeur d’un personnage, ici un homme de 46 ans, maçon, et touchée par l’histoire.
Tout y était ! J’ai tellement aimé la vision de Carl Nixon – je dois être honnête, la Nouvelle-Zélande est mon pays « rêvé » mais ici j’aurais pu être en Ecosse ou en Argentine, j’étais surtout guidée par le voyage personnel d’un homme à la recherche d’une réponse.
J’ai tellement aimé ma lecture que j’ai couru emprunter son premier roman, publié il y a deux ans, Rocking Horse Road. Je pense le lire très vite.
♥♥♥♥♥
Editions de l’Aube, Noir, Settler’s creek, trad.Benoîte Dauvergne, 2017, 352 pages
8 commentaires
Commandé grâce à toi.
Ça va tellement me plaire, ça!
Ah génial ! Je l’ai adoré, bon Jacky trouve que ça traine un peu en longueur mais il n’est pas super sensible LOL
j’aime beaucoup cette collection ! très envie de découvrir ce livre !
Oui, une collection que je ne connaissais pas – maintenant je vais me pencher de plus près sur leurs éditions. Je pense que tu aimerais cette histoire
Ton enthousiasme serait presque contagieux^^
tant mieux ! c’est souhaité ! bizarre, je n’ai vu aucun de vos commentaires avant aujourd’hui .. je reviens petit à petit 😉
Je ne connais pas cette maison d’édition! Et comme dit Jérôme, ton enthousiasme est communicatif!
Moi je l’avais vue mais jamais porté attention, quelle erreur ! Merci 🙂
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