Quel plaisir de retrouver Richard ! C’est probablement ma meilleure trouvaille dans cette librairie d’occasion québécoise. Car j’ai lu ce livre lors de mon premier séjour canadien. Entre temps, je voulais d’abord vous parler de Starlight. Chose faite. Et maintenant, la confirmation de la perte d’un très très grand monsieur !
Richard Wagamese est un formidable conteur. J’ai du mal à parler de lui au passé tant il est présent dans ma vie par ses mots. Dans ce recueil d’essais, l’auteur Ojibwe canadien vous invite à l’accompagner dans ses voyages. Le titre du recueil « one story, one song » vient des croyances Ojibwe. Ainsi, ses histoires sont regroupées en fonction des quatre principes fondamentaux de sa culture : humilité, confiance, introspection et sagesse. Chaque histoire qui est nous contée, qui lui a été contée nous change, nous rend plus fort et nous inspire.
Richard Wagamese raconte son histoire personnelle à travers des moments clés qui l’ont amené vers sa véritable personnalité, objectif de la vie selon les Ojibwé. Wagamese a une voix douce, un langage lumineux et un humour tendre. J’adore sa manière d’envisager la vie et de voir le parcours qu’il lui aura fallu pour enfin faire la paix et trouver la foi. La sienne. Pendant des années, il fut en colère. En colère contre sa famille, qui l’a abandonnée, après avoir été détruite par les pensionnats, par le système canadien, les familles d’accueil et cette famille adoptive pieuse qui a tenté d’écraser en lui tout ce qui lui restait d’Indien. Par la société. Par ses années dans la rue, l’alcoolisme. Son seul refuge ? Les bibliothèques et les livres. Wagamese a pris la route à l’âge de seize ans, parcouru tout le pays, en train ou en auto-stop, toujours un livre à la main.
Fort heureusement, cette colère qu’il exprimait en citant Crazy Bull « ceci est un bon jour pour mourir » a su se transformer au contact de ses racines. A l’âge de 24 ans, il a retrouvé son peuple et au contact d’hommes sages a enfin appris sa langue natale et sa culture. Après de nombreuses années, il s’est installé dans la nature, loin de la ville, auprès de sa compagne et tous les jours part, à l’aube, se promener en compagnie de son chien, le long du lac. Accompagné du chant des oiseaux, parfois les ours ou les loups viennent lui rendre visite. Il a appris à tendre la main, il la tend aux Canadiens même s’il sait que la situation des autochtones au Canada est toujours aussi terrible, le nombre de suicides chez les jeunes restant trois fois plus élevé. Il raconte ses années d’errance, physique et psychique, et comment à travers les rencontres, il a changé sa vision du monde et invite les lecteurs à faire de même. Il croit fort en la réconciliation.
Entre ses souvenirs personnels de son enfance, les contes traditionnels que le sages lui ont racontés (l’histoire du Corbeau ou du pin par exemple), il raconte aussi comment avec sa femme ils ont ouvert un foyer pour sans-abri. Il lui aura fallu près de quarante ans pour apprécier enfin sa vie, son pays et surtout avoir trouvé son identité : celle d’un être humain, d’un Ojibwe et d’un Canadien.
J’ai lu ce recueil comme si j’étais assise à côté du feu et qu’il était là, à conter ses histoires, tel un ami ou un professeur. Richard Wagamese a pris une place importante dans ma vie, vous l’aurez compris et lire ces mots en sachant qu’il nous a malheureusement brutalement quitté en 2017 est parfois difficile mais pour ma part, je lui dis simplement « à bientôt Richard » car en Ojibwe il n’existe aucun mot pour dire adieu. Et c’est tant mieux.
♥♥♥♥♥
Editions Douglas & McIntyre, 2016, 216 pages
14 commentaires
Oh oui, on ressent dans ce billet toute la tendresse et l’admiration que tu éprouves pour cet auteur. C’est à la fois convaincant et fort émouvant..
Merci! Oui, sa vie a été tellement difficile et il avait enfin trouvé une forme d’équilibre alors le voir partir si jeune et si brutalement .. ses mots sont magnifiques ! merci 🙂
J’espère que ce récit sera traduit rapidement en français !
Il y a intérêt !!!
Une chronique qui me fait regretter de ne pas pouvoir lire en anglais… Vivement la traduction!
exactement ! J’aime tellement sa vision de la vie, surtout quand on a voit ce qu’il a traversé, je me demande comment il réussissait à tout faire 🙂
Je sais… Avec les passages que tu me racontais, je n’avais qu’une envie: apprendre l’anglais pour ne pas avoir à attendre sa traduction (ou avoir ma traductrice près de moi!)
En espérant que Zoé poursuive sur sa lancée et décide de le publier. Ça me semble peu probable que ça ne se fasse pas, hein?!
oui, je me souviens que je te l’ai l’histoire du corbeau … j’imagine ton impatience ! Je ne comprendrais pas si Zoé se contentait de traduire ses romans et pas ses essais car pour moi ils complètent totalement son oeuvre 🙂
Oh Wagamese, comme je l’aime ! Starlight m’a enchantée comme ses deux autres romans lus. Il me parle ! J’aimerais tellement pouvoir lire en anglais…
pareil ! je te comprends et ses essais te plairaient tout autant, maintenant on attend que Zoé continue à le traduire 🙂
C’est donc qu’il a hérité des dons de conteurs de ses ancêtres. L’importance de la transmission orale est d’ailleurs le thème de la 1e semaine du cours Indigenous, de l’Université d’Alberta dont je t’ai parlé, et j’ai trouvé ça super intéressant…
Oui, j’ai fait l’expo Amazonie qui a lieu à Nantes sur ces tribus indigènes qui n’ont jamais développé de langue écrite et où tout passe par l’oral, du coup on a longtemps eu tendance à croire leur culture peu développée car non écrite. Bref, il était très douée ! un vrai conteur – une grande perte !
Ça y est, je l’ai terminé et je viens lire ce que tu en as dit. Quel beau billet ! Ce livre est une telle inspiration.
Merci ! Oui, une véritable inspiration ! et quelle vie il a eu, trop triste qu’elle se soit terminée si brutalement ! Un texte magnifique que je relirai 🙂 Ravie que tu aies aimé !!!!
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