La faute au Caribou ! J’ai lu ce roman en juin dernier, mais je n’ai pas osé publier de billet tellement elle était jalouse …et du coup, je ne l’ai pas écrit. Et puis elle m’a fait croire qu’il serait bientôt traduit, du coup j’ai attendu. Suffisamment. Vais-je pouvoir aujourd’hui lui rendre justice aujourd’hui comme il se doit ?
Tonopah, Nevada – Horace Hopper est un jeune ouvrier agricole dans la ferme de Monsieur Reese. Ce dernier et son épouse sont ce qui se rapproche le plus d’une famille pour le garçon. Ce dernier est métis. Horace est à moitié blanc, à moitié Paiute. Mais il ignore tout de ses racines indiennes. Quand il part avec le bétail plusieurs jours dans la Sierra Nevada, le jeune homme se prend à rêver : il veut devenir un boxeur célèbre. Mais Horace a peu confiance en lui, son nom ne lui plaît pas, tout comme ses origines. Sa peau brune, ses cheveux noirs – Horace se réinvente en un boxeur d’origine mexicaine, Hector Hidalgo.
Monsieur Reese est un vieil homme, ses filles ont quitté le ranch et il aimerait que Horace reprenne la ferme mais le jeune homme refuse leur proposition. Il part pour Los Angeles tenter sa chance. Logé chez une tante maternelle, il trouve du travail dans un garage et commencer à boxer dans un club. Le manager le prend sous son aile. Horace, ou plutôt Hector comme il s’appelle désormais a un coup de poing assassin. Il possède une force inhabituelle mais il manque de souplesse, et surtout il se défend peu. Les coups pleuvent à chaque match mais le jeune homme refuse d’abandonner son rêve.
Les premières victoires arrivent et malgré les blessures et les avertissements de ses pairs, Horace veut continuer. Mais le monde de la boxe est-il vraiment clean ? Et puis les contrats rapportent peu, les conditions de transport et d’hébergement sont loin d’être satisfaisantes. Ses victoires lui appartiennent-elles réellement ? et sait-il ce qu’il a laissé derrière lui ?
Un roman très intimiste, et sans doute le plus sombre de l’auteur américain. Un roman plein de compassion, impossible de ne pas s’attacher à Horace, de ressentir de l’amour pour lui et pour les Reese. Une lecture parfois éprouvante mais qui vous touche profondément. J’ignore comment Willy Vlautin s’y est pris, mais il m’a été impossible de quitter Horace plus de quelques heures, un jeune homme à la dérive …
J’ai tout aimé dans ce roman, ses heures seul dans les montagnes à regarder les étoiles. Et puis ses pensées, Horace se cherche. Qui est-il ? Il l’ignore. Passé de foyer en foyer, il ne sait rien de son passé et n’a trouvé qu’une forme de stabilité dans le ranch des Reese. Il se sent invisible et souhaite renaître sous une autre identité, celle d’un homme fort et respectable. Et puis il y a ces scènes de combat de boxe, magnifiques mais aussi très difficile … Et la Sierra Nevada. Bref, tout y est !
Un roman qui m’a hanté longtemps après ma lecture, la fin m’a émue et j’en veux un peu à Vlautin. Je n’en dirais pas plus. Il sera forcément traduit prochainement par les éditions Albin Michel et j’ai hâte de vous en reparler.
En attendant, j’ai trouvé quelqu’un qui en parle nettement mieux que moi, il s’agit d’un autre auteur américain que j’aime beaucoup, William Boyle :
Une nouvelle oeuvre d’art mélancolique de Vlautin. J’ai reçu le livre en service de presse et je l’ai dévoré. Je l’ai laissé de côté quelque temps puis je l’ai repris ce week-end en lisant plus lentement. Il m’a encore frappé plus dur cette fois-ci. Il est plein de détails et d’endroits magnifiques. Pour ce qu’il en vaut, je pense que personne ne sait mettre autant ses personnages à la dérive que Vlautin. J’adore la manière dont ses personnages errent, à la recherche de quelque chose, espérant quelque chose, une forme de connection ou de direction. Plus que tout, je dirais que ce roman est une quête sur l’identité et sur ce combat contre ce sentiment d’être perdu. Les lieux dans ce roman : le ranch et les montagnes, les casinos tristes et les arènes de boxes dans le Sud-Ouest et au Mexique, les tourbillons de Vegas et Tijuana, les trous dans les murs de l’appartement, les boutiques de pneus et les clubs de boxe, et les chantiers de construction, les fast foods, les magasins de vente d’alcool où les chèques sont encaissés, les allées où les poivrons vivotent entre désespoir et destitution et cette beauté triste.
Les personnages esseulés de Vlautin survivent, certains avec un bon fond, d’autres méchants et amers et détruits, tous cassés. Horace et Monsieur Reese sont entiers et vivants. Je les aime tous les deux. Vlautin est mon auteur préféré pour tout un tas de raisons, mais la principale est la manière dont je suis à chaque fois renversé par ses personnages, à quel point je pense à eux, à quel point je m’inquiète pour eux longtemps après la fin de ma lecture. Il y a tant de coeur mis à l’ouvrage. Et puis c’est aussi un magnifique western et un grand roman sur la boxe, et par dessus tout, un immense roman américain sur l’empathie, l’identité et l’aspiration. Etourdissant et bouleversant.
Si avec cela, vous hésitez toujours, je ne sais plus quoi dire … Pour ma part, j’ai la chance d’avoir d’autres romans de Willy Vlautin à lire.
♥♥♥♥♥
Editions Faber & Faber, 2018, 304 pages
10 commentaires
Aaah Willy… Je l’ai dans ma pal mais je l’économise depuis des mois car je crois bien que c’est le dernier qu’il me reste à lire de lui 🙁 Je me console de cette attente en évitant une syncope au Caribou 🙂
Tu lis en anglais ? car il n’a pas été traduit – mais sinon, oui s’il t’en reste un garde-le au chaud ! Mais ils seront tous traduits. Il est si doué !
J’ai découvert Willy Vlautin grâce à Marie-Claude avec Ballade pour Leroy et j’ai été conquise. En attendant la traduction de celui-ci, j’ai de quoi m’occuper avec ses autres romans 😉
Bien et tu verras, celui-ci te plaira tout autant ! Moi aussi du coup, j’ai Balade pour Leroy à lire 😉 je les lis pas dans l’ordre, mais ça n’a pas d’importance !
Bon, ben, yapuka…
exactement ! LOL
Ça va juste trop vite… Je suis empêtrée en algèbre pour le boulot. Imagines-tu ça? Je n’y comprend pas grand chose et je vois double! Je peine à me sortir la tête hors de l’eau. La lecture des blogues en souffrent, et le mien aussi. Ça fait deux semaines que je lis mon roman actuel (au demeurant très très bien). Je n’en finis pas et il ne fait que 400 pages. Et dire que je ne lis pas moins, il me semble! Bref, insatisfaction chronique face au manque de temps. Toujours la même rengaine. Changement drastique à venir?!
Alors, Willy… J’attends toujours la traduction, moi! D’ici là, ton billet a l’avantage de me réjouir en vue de ce qui m’attend.
Un Paiute chez Vlautin? Que demander de plus! Et ces mots de Boyle ne font qu’ajouter une couche à mon impatience… Dés qu’il arrive chez moi, je prend une journée de congé pour le lire. C’est dit!
ah je te comprends ! je cours après le temps, j’ai trois dossiers urgents au travail – les journées sont hyper tendues, speed .. je cours partout et je me mélange les pinceaux et moi et les maths, je ne pourrais pas t’aider ! hier j’ai dit à ma soeur qu’il y avait 11 ans d’écart entre 46 et 55… non c’est 9…. et je suis toute déréglée depuis le changement d’heure, je me lève encore une heure plus tôt (en fait à l’heure d’avant..) bref et là je lis un très bon livre mais comme toi j’avance pas (page 83) mais pas de transport en commun hier (j’ai marché 11 km) du coup pas de lecture ! et puis la police du livre est ultra petite… bref, désolée ! pour les blogs des autres, je les ai lus mardi et c’est tout .. on est bien sur le même rythme toi et moi !! mais tu sais qu’après ça repart ! allez courage ma belle ! Un petit chat en perspective ?
sinon pour Willy, oui tu vas aimer Horace, je m’inquiète pas là-dessus … je l’ai trouvé plus sombre mais j’ai vraiment aimé !!! c’est Ordinary People que tu lis ?
Alors là, on semble sur le même rythme, en effet. Sauf que je dois une heure de plus, moi! Marche de 11 km? Tramway en panne?
Pas de chat en perspective. J’en ai suffisamment.
Oui, c’est Ordinary People que je lis. Plus que 100 pages (sur 400).
Je te réponds par mail ce week-end, miss
Bises
ça marche ! oui 11 km car le midi on est sorties récupérer des achats du coup tout à pied ! vive le week-end ! bonne lecture 😉
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