Je souris en tapant le nom de l’auteur, car aujourd’hui un bureau de poste allemand a du évacuer plus de 60 personnes, toutes incommodées par l’odeur infernale de quatre durian (fruits asiatiques) envoyés par la poste ! Blague à port, voici encore une autre lecture dont j’ai entendu beaucoup parler. Le film a été sélectionné à Cannes.
Quand j’ai vu qu’il était dispo à la BM, je n’ai pas hésité. J’aime bien varier mes lectures, et après certaines lectures ardues, j’ai besoin de quelque chose de plus léger. En écrivant ces mots, je réalise que je compare ce roman à Eleanor Olyphant et tout de suite, je me dis que non. Eleanor n’est pas un livre feel-good, et celui-ci, malgré son sujet difficile, l’a été. Pourquoi ?
En premier lieu, je me dois de restituer le roman. Nous sommes à Tokyo. Sentarô, la quarantaine, est pâtissier dans une échoppe. L’homme n’a aucune formation, et avoue ne pas être lui-même porté sur le sucré. Un jour, une vielle dame vient le trouver. Elle veut savoir si elle peut postuler sur le poste mis à la vacance. Sentarô remarque alors ses doigts mystérieusement déformés. Tokue, c’est son nom, lui avoue qu’elle sait très bien faire la pâte de haricots rouges, le an, qui accompagne les dorayaki. Sentarô ne sait pas la faire, et la commande toute faite. Mais la femme est trop âgée, et ses doigts l’effraient. Sentarô lui dit non. La vieille dame revient avec une boîte de dorayaki. Lorsqu’il goûte aux pâtisseries, Sentarô découvre une saveur incroyable et change d’avis. Il décide de l’embaucher, en la faisant travailler très tôt le matin et au fond de l’échoppe et en cachant cette embauche à sa propriétaire.
Le succès arrive très vite et Sentarô apprend à « écouter la voix des haricots« . Les lycéennes adorent les nouvelles pâtisseries, comme Wakana, une jeune fille timide. Mais un jour, la propriétaire l’apprend et tout change. Quel est le secret honteux de Tokue ? Et pourquoi Sentarô n’est pas devenu l’auteur qu’il aspirait à être ? Pourquoi a-t-il fait de la prison ?
L’histoire est belle, les personnages attachants et j’aimerais beaucoup voir l’adaptation cinématographique. Le sujet est grave, la déformation des mains provenant d’une des maladies les plus honteuses, cachées de l’espèce humaine. Elle a toujours fait très peur. La lèpre. Du coup, apprendre que les Japonais avaient isolé tous les malades et les avaient privés de toute liberté est vraiment intéressant et surtout que cet enfermement a perduré jusque dans les années 1980. Et pour cela, j’ai aimé ma lecture.
Mais je dois être honnête et avouer que j’ai trouvé le roman, un peu trop sucré à mon goût. Trop doux, pas assez d’aspérités. J’ai retrouvé là le souci que j’ai principalement avec les romans japonais : les personnages sont trop lisses. Même si l’auteur choisit de raconter leurs secrets, il leur manque, selon moi, toujours une forme d’épaisseur. Une couche. Et je les ai trouvés tous trop gentils. En pensant à Eleanor, je vois nettement la différence. Très nette. J’ai besoin d’ironie, de failles, d’un peu de méchanceté ou de malhonnêteté. D’épaisseur.
Reste que j’ai passé un bon moment en compagnie de ces trois personnages. Le roman est aussi disponible au format Poche.
♥♥(♥)
Editions Albin Michel, An, trad. Myriam Dartois-Ako, 2016, 240 pages
Photo by Jelleke Vanooteghem on Unsplash
14 commentaires
J’ai adoré le film, mais du coup, je ne pense pas que je lirais le roman, surtout après ton billet.
Je n’ai pas du tout entendu parler du film, à croire que je débarque de la lune ! et en plus il a l’air pas mal du tout.
J’avais vu le film et bien aimé. Mais pas le désir de lire le livre. Pour trouver de l’épaisseur, il faut tenter Mishima !
Je note Mishima. J’ai découvert une autrice japonaise récemment qui offre aussi une forme d’épaisseur, car c’est vraiment un souci que j’ai avec les auteurs asiatiques. Pourtant je suis allée en Asie et j’ai beaucoup aimé, mais j’ai du mal avec leur littérature où le personnage me fait penser à une coquille vide… juste présent pour faire passer un message plus important.
Je comprends ce que tu veux dire quand tu évoques le manque d’épaisseur des personnages. Cela ne m’avait pas perturbé, car j’ai pris justement le roman comme un en-cas un peu trop sucré : un vrai bonbon de lecture que j’ai savouré.
Et blague à part, il m’a donné une folle envie de goûter ces fameux dorayakis !
Oui, si on le lit comme un roman « feel-good » sans en être un car la lèpre n’a pas grand chose à voir avec, ça fonctionne. Ils sont trop lisses. J’ai besoin d’épaisseur.
J’ai adoré le film que j’ai vu deux fois. Mais je ne ressens pas le besoin de lire le roman.
Vous me donnez envie de voir le film, je vais tenter de mettre la main dessus ! il a l’air meilleur que le roman.
J’ai commencé la lecture de ton article en me disant que peut-être, enfin, j’allais tenter encore une fois d’apprécier la lecture d’un roman japonais … je crois que je vais, une fois de plus, m’en tenir aux sushis.
MDR ! Là-dessus toi et moi sommes proches, j’adore les sushis et moins leur littérature. Je pense honnêtement que tu peux t’en passer…
Si tu veux du japonais qui gratte, lance-toi dans l’œuvre de Ryu Murakami, difficile de faire plus subversif (Les bébé de la consigne automatique est son meilleur roman pour moi).
Je note ! Je ne suis pas trop passionnée par les romans subversifs mais j’aimerais effectivement une vision plus réaliste (donc sombre ?) du Japon, j’ai toujours l’impression que les personnages ne sont pas réels.
j’avais déjà noté et c’est justement le côté trop sucré qui m’a freinée. Je le lirai je pense, à un moment où je n’ai pas besoin d’être trop bousculée!
Malgré ta déception, je reste curieuse de découvrir cet auteur et pourquoi pas le film aussi d’ailleurs.
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