J’avoue : ce roman me faisait un peu peur. Pourquoi ? Pour plein raisons que je vais énumérer ci-dessous, mais quelque chose me rassurait : la plume est celle de Louise Erdrich. Et j’ai eu raison de me lancer !
En premier lieu, un roman traitant d’une apocalypse biologique, où le monde que l’on connaît va s’éteindre – j’avoue que le sujet en pleine pandémie ne m’attirait pas plus que ça. Mais j’étais quand même curieuse, même si en lisant la quatrième, j’ai évidemment pensé immédiatement à La Servante écarlate de Margaret Atwood lorsque j’ai appris que le nouveau gouvernement religieux et totalitaire impose aux femmes enceintes de se signaler .. Mais je me suis lancée quand même parce que voilà, j’étais curieuse de suivre le personnage de Cedar Hawk Songmaker, une jeune femme Indienne adoptée par un couple de Blancs de Minneapolis, qui décide de retrouver sa famille biologique lorsqu’elle apprend sa grossesse.
La voici partie pour la réserve où vit sa mère biologique alors que le gouvernment s’effondre et qu’un mouvement religieux prend le contrôle. Elle a va faire connaissance de sa mère, de son époux, Eddy, un homme fantasque, de sa demi-soeur, une adolescente en pleine rebellion et de sa grand-mère qui va lui raconter les histoires de sa famille, tout cela alors qu’il est devenu dangereux pour elle de montrer son ventre. De retour à Minneapolis, elle est rejointe par le père de son enfant, et se cache dans sa petite maison au fond d’une allée. Les mois passent. Cedar est inquiète car elle n’a plus de nouvelles de ses parents, par contre elle reçoit encore des nouvelles d’Eddy et de sa famille biologique. Son ventre s’arrondit, et Cedar est envahie de questions alors que l’évolution des espèces a brutalement stoppé. Peu à peu, les animaux sont modifiés génétiquement, certains voir leur taille (comme les insectes) se multiplier, d’autres développer de nouveaux attributs mais le plus terrifiant est le cerveau des humains qui semble rétrograder. Cedar refuse de croire que son enfant va naître ainsi diminué. Elle est croyante, elle s’est convertie au catholicisme et prie Dieu de lui épargner cela. Elle pense beaucoup à Marie et à l’Incantation.
J’avoue que cette partie-là du roman m’a le moins plu, concrètement les questions d’ordre métaphysique (quel est l’avenir de l’homme ? sa place ? Désolée, mais même en pleine pandémie du Covid-19, aucune question de ce genre ne vient troubler mon sommeil. L’homme est un animal, évolué, mais reste un animal et un jour il disparaître et la Terre continuera de tourner…). L’autre point important du roman, et il faut l’accepter c’est l’omniprésence de la religion. L’Amérique est un pays religieux et ce roman n’y échappe pas. Or n’étant pas croyante, j’ai évidemment trouvé certains passages plutôt longuets… Mais si vous aimez vous poser ce genre de questions, alors vous serez comblé(e) !
Je ne sais pas pourquoi il nous est donné d’être tellement mortels et d’éprouver tant de sentiments. C’est une blague cruelle, et magnifique.
J’ai par contre beaucoup aimé le personnage d’Eddy, probablement atteint de troubles dépressifs qui écrit le livre de sa vie (il a écrit plus de 3000 pages) où il note chaque jour la rencontre, l’instant, l’odeur qui lui a donné envie de rester en vie, lui qui commence chaque jour en pensant à la mort. Il transmet certains de ses feuillets à Cedar et je les ai trouvés touchant. Bien plus parlant que tous les versets de la Bible.
Puis un jour Cedar est dénoncée. Cedar est envoyée dans un centre pour femmes enceintes… Je n’en dirais pas plus mais j’ai adoré cette partie, son amitié avec sa voisine de chambre dont j’ai adoré le personnage, son plan pour fuir … J’ai dévoré ces pages-là et même celles qui ont suivi et j’ai aimé la fin.
Evidemment je ne peux rien vous dire de plus au risque de gâcher votre lecture. J’ai aimé le personnage de Cedar, son désir viscéral de protéger son enfant, de croire qu’il est normal. Lorsqu’elle décrit un peu méchamment sa rencontre avec le pauvre Eddy qui n’en mène pas large, j’ai été étonnée puis lorsqu’elle commence à dire que son enfant est l’enfant miracle qui va sauver l’humanité, je me suis dit que le plus atteint des deux n’est pas forcément Eddy… Mais j’ai mis cela sur le compte de la confusion mentale, devoir se cacher de tous, mener sa grossesse en ignorant ce qu’il est advenu des siens est évidemment compliqué.
J’ai aussi vraiment apprécié les personnages secondaires, comme la mère adoptive de Cedar qui peut sembler dure mais qui est juste une mère tentant de protéger son enfant, et j’ai aimé la famille biologique de Cedar, fantasque à souhait. Le sujet est grave mais Louise Erdrich est une conteuse, et elle a su maintenir la tension tout du long et m’a captivée. J’ai même réussi à passer au-dessus de ces considérations religieuses ou métaphysiques. J’ai très envie à présent de replonger dans ses autres livres …
Une nouvelle lecture qui entre dans le cadre de mon challenge #nationindienne.
♥♥♥♥
Editions Albin Michel, Future home of the Living God, trad. Isabelle Reinbarez, 2021, 416 pages
Photo by Arteida MjESHTRI on Unsplash
12 commentaires
Je viens de le commencer, mon premier Erdrich il était temps!
Ah oui ! Le sujet un peu particulier risque peut-être de t’effrayer, mais ne lâche pas, ses autres écrits sont formidables 🙂
Ah ! tiens un avis favorable ! J’aime Louise Erdrich mais j’hésite avec ce titre. Le lirai-je ou pas ? Je ne sais pas…
oui un avis favorable 🙂
On me l’a proposé, puis j’ai pensé qu’il arriverait bien un jour en bibli. Voilà ton avis (oui, je sais que c’est un bon auteur.)
oui il arrivera en bibli ! Je ne pense que le sujet va t’effrayer 🙂
Il m’attend et me fait un peu peur aussi. Mais tes mots me rassurent!
Oui, j’ai préféré prévenir pour certains passages mais sinon j’ai bien accroché !
J’aime beaucoup Louise Erdrich mais je pense vraiment que ce n’est pas un roman pour moi (même si je constate que toi aussi tu avais de gros doutes et qu’au final tu as bien fait de les dépasser).
oui elle a dévié de ses romans habituels (et depuis elle est retournée à son système habituel) mais l’écriture, le rythme bref j’ai été séduite à nouveau ! depuis j’ai envie de lire tous ses romans !
Tu vois il est arrivé en bibli! Dans le genre je préfère Atwood (elle a une série aussi avec des transformations génétiques, même si là aussi on pense à la servante écarlate). Un bouquin passionnant, ce roman d’Erdrich, mais un poil bancal.
oui j’ai mentionné La serveuse écarlate dans mon billet et c’est aussi cité par l’éditeur – pour la fin, comme le Caribou je l’ai au contraire trouvée très intelligente !
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