C’est via une booktubeuse américaine que j’ai eu vent de ce roman, même si je connaissais de nom l’autrice. Je me suis donc procurée la version originale, en français et j’ai parcouru à travers son histoire personnelle l’histoire d’un pays, le Rwanda.
On connaît tous le génocide au Rwanda qui a décimé la population tutsi au printemps 1994. Je me souviens des images à la télévision, de l’horreur, de ces tueries à la machette, de ces corps déchiquetés. Pourtant, j’ignorais tout de l’histoire de ce pays et Scholastique Mukasonga nous offre ici plus de quarante ans de l’histoire de son peuple, des persécutions subies et répétées.
Car le peuple tutsi a souffert, peut-être d’avoir régné dans le passé, je ne suis pas historienne. Mais depuis les années 50, il fait preuve de persécutions incessantes. Pendant près de trente ans, la tension va monter. La fuite, l’exil, rien n’y fera. La haine grandit jusqu’à ce printemps de sang. L’autrice va perdre près de trente membres de sa famille, son frère, et son épouse et leur neuf enfants. Rien que cette phrase résonne dans ma tête. Il est évidemment difficile de comprendre comment des voisins ont pu en une nuit se transformer en tueurs assoiffés. Comment ils ont pu aller tuer des femmes, des enfants, et même des nouveaux-nés.
Nous étions fatigués et parfois nous nous laissions aller au désir de mourir. Oui, nous étions prêts à accepter la mort, mais pas celle qui nous a été donnée. Nous étions des Inyenzi, il n’y avait qu’à nous écraser comme des cafards, d’un coup. Mais on a pris plaisir à notre agonie. On l’a prolongée par d’insoutenables supplices, pour le plaisir. On a pris plaisir à découper vivantes les victimes, à éventrer les femmes, à arracher le foetus.
La famille se raconte depuis les années 1950 et suit les évènements politiques de son pays, les exactions contre les tutsi. Le gouvernement va d’abord les exiler, mais dès les années 60, les violences vont débuter, entre milices et militaires. Le parcours de la jeune Mukasonga pour aller au lycée est un parcours semé d’embûches, il faut éviter les militaires qui attendent au bord des pistes de mettre la main sur ces tutsi. La jeune fille est issue d’une famille lettrée, son père a même réussi à obtenir un poste de cadre mais la menace ne cesse de peser sur eux. En 1973, sa famille et les autres sont chassés de leurs pays. J’ignorais tout de ce pan de l’histoire, mais cela explique la venue en nombre d’immigrés rwandais en Europe. Les années passent, difficiles mais dans un calme relatif. L’autrice a refait sa vie en France, elle a épousé un Français et a eu deux enfants. Et puis ce jour de 1994 tout bascule…
En 1994, on s’est acharné sur la vielle dame. Je ne dirai pas comment on l’a humiliée, violée, suppliciée. Je ne veux que me souvenir de celle qui nous donnait du lait, Gicanda, la reine au beau visage.
La lecture de ce chapitre a été particulièrement éprouvante. Je ne le regrette pas. A l »époque, on n’avait que des images. Mettre des mots sur les maux permet de mieux comprendre.
Je ne mettrai pas de notes sur un récit personnel, mais je vous invite vivement à le lire si ce n’est déjà fait.
Editions Folio, 2006, 195 pages
Photo by maxime niyomwungeri on Unsplash
6 commentaires
je l’ai lu en octobre, pour le Mois Africain, et je te rejoins : c’est à lire. La lecture de son roman « Notre-Dame du Nil » fait un complément intéressant à ce récit.
oui j’ai vu qu’elle avait publié d’autres récits. C’est définitivement à lire même si des passages sont très difficiles
J’ai regardé plusieurs docs sur le sujet. C’est bien de signaler cet ouvrage. Je note pour plus tard. Dès que je terminerai « La Ligne de nage » de Julie Otsuka en lecture actuellement. L’as-tu lu ?
Non mais le Caribou l’a lu et a beaucoup aimé. Je fais partie des rares qui n’avaient pas été séduite par le style de son premier roman, du coup j’hésite pour celui-ci. J’attends ton avis éclairé
Je connais l’autrice de nom mais ne l’ai encore jamais lue. Je vais le faire, clairement!
Je te conseille de mon côté très chaleureusement de lire les deux romans de l’autrice franco-rwandaise Beata Umubyeyi Mairesse, « Tous tes enfants dispersés » et « Consolée » (billets sur mon blog si tu es intéressée). Ses romans sont bouleversants d’humanité et d’une très grande richesse. Un coup de/au coeur à chaque lecture.
ah merci je vais aller voir ça vendredi (enfin un jour de repos) – je pense que le premier titre me dit quelque chose …
Celui de Scholastique est chronologique et permet d’aborder la lente mais terrible dégradation dans le temps du traitement des Tutsi et de mieux comprendre ce qui a mené au génocide.
Les commentaires sont fermés